AOÛT 2013, RETOUR AU ROYAUME DU CAMBODGE.
PREMIERE PARTIE: ANGKOR THOM
 
Toutes les photographies présentées par Jean-Pierre Grandjean dans ses portfolios, ont été réalisées avec le nouveau boîtier Leica M Monochrom et l’utilisation de deux optiques Leica M, un 35mm Asph et un 50mm.
 
L’histoire agitée du Cambodge, berceau de la civilisation khmère, n’a pas épargné les vestiges de l’impressionnante cité d’Angkor, qui ont évolué de concert avec le contexte géopolitique. Au cours de ses visites dans ce pays, Jean-Pierre Grandjean, photographe franco-suisse né en 1950, s’est attelé à capter sur sa pellicule la beauté mystérieuse des sites, ainsi que leur atmosphère changeante au fil du temps.
Lors de son premier voyage en hiver 1988, il découvre un pays délabré. L’armée vietnamienne, qui avait renversé le régime khmer rouge en 1979, vient de quitter les lieux et les troupes de l’ONU ne sont pas encore arrivées. Angkor Wat, temple principal du site archéologique d’Angkor, dédié à Vishnou puis plus tard à Bouddha et ancienne capitale de l’empire, est un des seuls vestiges ouverts au public. La cité royale d’Angkor Thom, également édifiée durant le XIIème siècle, et son temple en forme de montagne, le Bayon, célèbre pour ses 216 monumentaux visages sculptés, peuvent également être visités. Les autres sites sont interdits d’accès, leurs abords étant fortement minés, et toujours sous l’emprise de bastions khmers rouges durant la nuit.
Au printemps 1999, la paix semble enfin s’installer. Les armes viennent d’être déposées par les deux principaux partis en lutte pour le pouvoir, et les derniers retranchements khmers rouges s’éteignent les uns après les autres. Le photographe peut cette fois ci parcourir tous les sites sans difficulté et capture les images dont il tirera son livre « Angkor », publié depuis à Genève et à Boston. Ambiance décrite par ses mots : « Etrange lumière aujourd’hui. Ciel couleur de pluie. Silence rompu par l’envol de chauve-souris. Mystérieux Ta Prohm à l’arrivée de l’obscurité. Regard d’éternité des multiples visages du Bayon. Sourires complices d’Apsaras. Capter toutes ces merveilles, en noir et blanc, en couleur. Immortaliser, en quelques fractions de secondes, des siècles d’histoire enfouis dans cette jungle ».
Une collection d’images sur le bouddhisme est complétée par de nouveaux clichés panoramiques en noir et blanc, lors d’un troisième voyage en 2002. Les photographies sont exposées l’années suivante au Musée de l’Elysée, à Lausanne.
Lorsque Jean-Pierre Grandjean retourne au Cambodge quatre ans plus tard, la situation sécuritaire s’est encore améliorée et de nombreux temples plus éloignés sont enfin déminés et ouverts aux visiteurs. La plupart sont encore enfouis dans la jungle, comme Preah Khan, « l’épée sacrée ». C’est dans ce temple, construit sous le règne de Jayavarman VII en 1191, que se déroula la bataille décisive et la victoire contre les envahisseurs Chams, grands rivaux des Khmers venus de l’Annam, région du Vietnam contemporain.
Le Boeng Mealea, dont le style se rapproche beaucoup d’Angkor Wat, avec sa tour centrale complètement effondrée et prisonnière des lianes, représente sans doute la vision des premières expéditions archéologiques qui on découvert Angkor au XIXème siècle. Un passage en bois, construit en 2004 par Jean-Jacques Annaud pour le tournage du film « Les deux frères », permet d’accéder au centre du temple, véritable voyage hors du temps.
Encore plus éloigné, le groupe de Banteay Chhmar est situé dans une région aride à 100 kilomètres au nord-ouest d’Angkor, non loin de la frontière thaïe. Autrefois appelé « pays du sable », son temple principal est reconnaissable à ses nombreuses tours dont certaines sont sculptées de visages, ainsi que pour les exceptionnels bas-reliefs historiques et mythologiques qui ornent son enceinte. L’impressionnant ensemble, construit par le grand roi Jayavarman II en l’honneur de l’un de ses fils, est entouré de très larges douves et de huit temples secondaires.
Depuis Banteay Chhmar, une heure de vol suffit pour atteindre Prasat Preah Vihear, édifié sur le bord de la falaise des monts Dangrek, à plus de 750 m d’altitude. Ce temple, qui constitue l’un des plus beaux sites naturels du pays, fut revendiqué par la Thaïlande dans les années 1960 et encore très récemment, en vain. Comme la majorité des autres temples excentrés, son ouverture au public est récente, datant seulement de 1998.
Non loin de là, Koh Ker, capitale de l’empire khmer durant une brève période au XXème siècle sur l’initiative de Jayavarman IV, s’étale sur une large superficie en partie recouverte par la forêt. A son sommet domine le Prasat Thom, temple pyramidal dont la plupart des statues sont aujourd’hui exposées au Musée National de Phnom Penh. Néanmoins, il reste de nombreux sanctuaires à visiter, certains en cours de défrichement.
Le dernier voyage du photographe, il l’effectue pendant la mousson d’août 2013. Il continue sa quête d’émotions visuelles avec des visites vers ses temples préférés qui sont Angkor Thom, avec le Bayon et le Baphuon et son Bouddha couché reconstruit. Les ruines mystérieuses de Ta Prohm avec ses racines de Tetrameles nudiflora qui cernent et semblent étouffer la pierre. Le lit de la rivière sacrée et sculptée à Kbal Spean. Le retour au magique Banteay Srei « La citadelle des femmes » qui semble toujours hantée par la présence d’André Malraux, et pour terminer le colossal et magistral Angkor Wat dont les tours se transforment en cascade d’eau pendant les averses de pluie.
De ces nombreux voyages, Jean-Pierre Grandjean n’a pas seulement capté la splendeur mystique des temples khmers, mais aussi leur signification profonde. Celle-ci est magistralement incarnée par Angkor Wat, davantage qu’un simple édifice de pierre, peut-être le plus grand monument religieux jamais construit au monde. Pour les hindouistes comme pour les bouddhistes, sa tour principale représente le centre de l’univers ; pour les premiers le mont Meru et pour les seconds la montagne sacrée du Kailash. « Un ouvrage des anges, et non des hommes » pour reprendre les mots des premiers missionnaires français.
 
Texte de Catherine G. Boretti et Alexandra Brutsch, complété en septembre 2013 par Jean-Pierre Grandjean
 
© 2013 Jean-Pierre Grandjean Textes et Photographies
© 2013 Jean-Pierre Grandjean Textes et Photographies
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